Par Freddy Mulongo, jeudi 1 avril 2010
Modeste Mutinga, prédateur de la liberté d'expression ou sauveur de médias au Congo ?
On ne peut demander à un loup de garder le poulailler ou un requin de surveiller les poissons, de même il est impensable dans une nation démocratique, qu'un museleur et prédateur de la liberté d'expression et de presse, initie un projet de loi sur les médias. Ce qui est le cas de Mutinga.
voici les 8 raisons pour réfuter ce projet de loi:
1. Modeste Mutinga ne doit pas confondre son Journal "Le Potentiel " à la République Démocratique du Congo. Il n'est pas la République à lui tout seul. Un projet de loi doit être impersonnel, neutre et se projeter dans le futur. Or l'ancien président de la fameuse Haute Autorité des Médias (HAM), Modeste Mutinga a profité de son rang pour s'octroyer Radio 7 et Télé 7, alors qu'il présidait une instance de régulation qui devrait promouvoir la neutralité, l'équité et l'impartialité. Comment un sénateur qui a ses médias peut proposer un projet de loi qui soit neutre , impartiale et équitable ? Ce projet de loi ne vise -t-il pas d'abord les médias des autres ? Modeste Mutinga qui est passé maitre en fourberie et roublardise sait très bien qu'il ne propose pas ce projet de loi pour l'appliquer sur lui. En lisant le projet de loi de Modeste Mutinga que Réveil-FM a dans sa rédaction, on constate une chose que Modeste Mutinga est un homme de la presse écrite, il ignore tout de l'audiovisuel même s'il a eu l'opportunité de présider l'instance de régulation de médias congolais.
2. Nulle part dans le monde, le pouvoir prend une décision de crypter un média. Crypter un média équivaut à le réduire au silence et à la non visibilité. C'est toujours l'opérateur médiatique qui décide et prend l'option de crypter son média. Ce n'est jamais un pouvoir ou un gouvernement qui décide à la place des opérateurs médiatiques. Le cas de Canal + en France est là pour nous le démontrer. Crypter un média équivaut à ne pas le rendre accessible à tous, sauf aux abonnés. C'est fermer avec une clé un média dont l'accès exige un décodeur. L'objectif est de rentabiliser financièrement avec la vente de décodeur pour avoir accès aux programmes. Avec un pouvoir d'achat paupérisant de Congolais, qui sont ces Congolais qui peuvent au lieu de faire bouillir la marmite vont accepter de payer pour suivre un programme d'une chaine cryptée ? N'est-ce pas la nouvelle bourgeoisie Compradrore, les nouveaux millionnaires du dimanche qui peuvent se le permettre? Si l'Etat, AMP prenait la résolution unilatérale de crypter les médias tel que le propose son sénateur connu pour ses hauts faits dans la prédation de la liberté de la presse, cela équivaudrait à un coup d'Etat médiatique et tout coup d'Etat a ses conséquences. Rien n'est sur que l'Etat, AMP-Parti-Etat sortira vainqueur !
3. Que la République Démocratique du Congo ait 107 chaînes de télévision, dont 49 à Kinshasa, et 274 stations de radio, parmi lesquelles 39 implantées dans la capitale. C'est une fierté pour le pays et beaucoup de confrères et consoeurs ont perdus leur vie pour que ce pluralisme médiatique puisse exister. Durant 32 ans sous Mobutu, nous n'avons connu que la Voix du Zaïre, débaptisée depuis l'entrée de l'Afdl:"Radio Télévision Nationale Congolaise (RTNC), la voix du peuple. Le projet de loi du cryptage remet en cause le pluralisme médiatique or il faudrait plutôt le renforcer voire le soutenir. Le pluralisme médiatique au Congo-Kinshasa est frelaté mais le vrai problème est ailleurs. Stigmatiser et vouloir criminaliser les médias confessionnels est un faux débat. Pourquoi Modeste Mutinga n'a pas la décence de dénoncer le fait que la majorité des médias en République Démocratique du Congo, appartient aux politiques actuels: présidence, primature, gouvernement, sénat et Parlement. Le fait même qu'un sénateur comme lui ait sa radio 7 et télévision 7 pose déjà un grave problème. Pour mieux jouer leur rôle et pour garantir l'indépendance des médias, il n'est pas normal que ceux-ci appartiennent aux acteurs politiques, ni ceux qui l'exercent actuellement encore moins ceux qui l'ont exercés pendant un temps. Pourquoi chaque acteur politique au Congo a sa radio et sa télévision sans que cela n'offusque la conscience obscurantiste de Modeste Mutinga ? Pour qui roule-t-il avec son projet de loi de cryptage abracantesque ? Après avoir muselé les journalistes, les médias et les partis politiques de l'opposition sous sa présidence de la HAM, est-il nostalgique au point de vouloir renouveler la même expérience cette fois avec son étiquette de sénateur pour les élections de 2011 ?
4. La loi n°96/002 du 22 juin 196 fixant les modalités de l’exercice de la liberté de presse en République Démocratique du Congo est bonne mais elle a des insuffisances. Il faut l'amender en spécifiant les 4 secteurs médiatiques:a). Médias publics
b). Médias privés commerciaux
c). Médias associatifs et communautaires ou Tiers secteurs
d) Média Onusien cas de la Radio Okapi.
Il y a une différence nette entre un média public qui donne accès à tous les citoyens sans tenir compte de leurs origines, tribus, rangs sociaux, religions etc...Et un média étatique, média du pouvoir, véritable voix de son maître...Il faut que la RTNC redevienne, un média public. Cela doit être inscrit dans la loi et non pas dans le cahier des charges ! Également revoir le boulet de récépissé à 5.000$ imposé aux médias associatifs et communautaires qui n'est pas inscrit dans la Loi mais que les divers ministres réclament à corps et à cri, aux médias citoyens. Beaucoup d'articles dans cette loi pénalise les journalistes. Or il faut aller dans le sens de la dépénalisation de délit de la presse comme l'a déjà fait le Congo-Brazzaville et d'autres.
5. Pour imposer le cryptage de médias, il faut que l'Etat, AMP-Parit-Etat ait le courage de quitter le chemin de l'opacité pour l'emprunter l'autoroute de la transparence: Quel est le plan fréquences de la République Démocratique du Congo ? En d'autre mot, combien de fréquences l'Union Internationale des Télécommunications (UIT) a mis à la disposition de notre pays ? Pourquoi la gestion de fréquences en RDC est-elle si opaque ? Pourtant les fréquences sont des biens en communs c'est-à-dire pour tous. Qui dit fréquence dit l'air, on ne peut pas pomper de l'air à soi tout seul.
6. Le plan international des fréquences qui était en vigueur pour l'utilisation du spectre dans les bandes 174-230 MHz et 470-862 MHz datait de 1961 et avait été conclu à Stockholm (Accord de Stockholm 1961). Ce plan était conçu pour la télévision analogique. A la fin des années 90, il s'est avéré que le plan de Stockholm ne permettait pas une mise en place efficace de la télévision numérique terrestre. Par conséquent, la nécessité d'élaborer un nouveau plan remplaçant celui en vigueur s'est imposée.
Lors de la Conférence internationale des radiocommunications de l'UIT, qui s'est achevée le 16 juin 2006 à Genève où plus de 1000 délégués en provenance de 104 Etats d'Europe, d'Afrique et du Moyen-Orient ont établi un nouveau plan de fréquences pour la radiodiffusion numérique terrestre. La RDC était présente. Ce plan permettra l'introduction de la radiodiffusion numérique dans ces Etats. Dans le nouveau plan de fréquences (Accord de Genève 2006) signé le 16 juin au terme de la Conférence régionale des radiocommunications de l'UIT, le numérique qui va remplacer l'analogique va multiplier par 100 le nombre de fréquences qui existaient.Nous sommes à l'heure du numérique, la RDC doit mettre à disposition de Congolais le plan de fréquences qui lui a été soumis par l'UIT, le 16 juin 2006. L'inquiétude de Mutinga ne se justifie pas, à moins qu'il y ait un plan caché.
7. Lorsque Modeste Mutinga écrit dans son projet de loi: "«Ces chaînes qui pullulent émettent toutes en clair et ont presque toutes les mêmes programmes dominés par la musique, le feuilleton nigérian, des films et émissions piratés. Sans oublier les sulfureux débats politiques véhiculant parfois des propos diffamatoires, injurieux, mensongers et irresponsables». Et de relever le fait que «la dignité de la femme est souvent bafouée sur la plupart de ces chaînes de télévision ; notamment par l'exhibition de danses obscènes et d'accoutrements indécents. La protection de l'enfant n'est pas garantie à travers certaines offres de programmes télévisés, en l'occurrence le catch américain, les films violents, érotiques, voire pornographiques. Pire, la promotion de l'alcool et d'autres produits nuisibles à la santé (produits cosmétiques) est assurée par une publicité sans limitation ni de temps ni de volume».
A qui la faute ? Peut-il dire que le programme de sa Télé 7 est meilleur que celui de Tropicana TV ? Antenne A ? ou Web TV ?
En tant ex-président de la HAM, il a été incapable d'interdire la publicité des boissons alcooliques sur les chaines de télévisions. Il s'est même fourvoyé en défendant la Bralima contre la Bracongo, notre sénateur a-t-il une mémoire courte ? Au lieu d'imposer un cryptage étatique au risque de tuer le pluralisme médiatique, il faut introduire un système de quotas dans le programme. Par exemple 40 % de programme socio-culturel doit être congolais. Laisser les 60 % aux initiatives et libertés de chacun. Les privés commerciaux rechercheront leur financement dans la publicité. Les associatifs et communautaires dans la citoyenneté etc. L'Etat congolais a un devoir de soutenir financièrement tous les médias sur son territoire car ils éduquent, informent, contribuent à la paix sociale.
8. Il est dommage que Mutinga sorte un goupillon pour criminaliser les médias confessionnels qui sont associatives par leur statuts à cause de films nigérians de Karachika alors même que la solution n'est pas d'imposer quoi que ce soit mais d'inciter chaque média à devenir meilleur dans sa programmation pour élever la culture du Congo, de l'Afrique et du monde. A l'heure de mondialisation, museler les médias avec le cryptage étatique est non sens. Radio7 et Télé 7 de Modeste Mutinga sont-ils dans le lot de médias à crypter ?. Ils sont les derniers à arriver dans le paysage audiovisuel congolais (PAC), c'est normal qu'il souffre de l'ombre des autres. Est-il raison de crypter ceux qui ont un autre vision, un autre regard du monde ?